Gestion des terres en temps de crise : renforcer la résilience dans la région arabe
La session de haut niveau sur la gestion foncière en temps de crise lors de la troisième Conférence arabe sur la terre a réuni des décideurs politiques, des experts et des praticiens pour explorer comment une gouvernance foncière efficace peut atténuer ces défis, prévenir de futurs conflits et favoriser la résilience.
Les intervenants ont abordé la restitution des terres dans les situations d’après conflit, le rôle des registres fonciers numériques, la résilience climatique et les mécanismes de financement de la reconstruction. Ils ont présenté des études de cas spécifiques à des pays tels que la Syrie, la Palestine, l’Irak, la Libye, la Somalie et le Yémen, offrant un aperçu de la manière dont la gestion des terres peut contribuer à la consolidation de la paix, à la reprise économique et au développement durable.
Principaux points à retenir de la session de haut niveau
1. Le rôle de la gouvernance foncière dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix
Le Dr Paulo Sérgio Pinheiro, président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, a ouvert la session en soulignant comment la mauvaise gouvernance foncière exacerbe les conflits et alimente les déplacements.
« La gestion durable des terres est essentielle à la fois pour résoudre les problèmes structurels qui conduisent aux conflits et pour empêcher qu’ils ne se reproduisent. »
Il a fait référence aux Principes Pinheiro sur la restitution des logements et des biens aux réfugiés et aux personnes déplacées, qui fournissent un cadre pour garantir que les populations déplacées puissent récupérer leurs terres et leurs maisons après les conflits.
« L’incapacité à prévenir et à traiter les violations des droits au logement, à la terre et à la propriété risque d’alimenter de nouveaux griefs, des tensions sociales et de nouveaux cycles de violence. »
Il a souligné que la restitution des terres devrait s’inscrire dans des processus de justice transitionnelle plus larges, garantissant que les personnes déplacées, en particulier les femmes et les groupes marginalisés, puissent recouvrer leurs droits.
2. Palestine : la terre comme outil de résistance et de survie
M. Alaa Tamimi, chef de l’Autorité foncière palestinienne, a parlé de l’occupation israélienne en cours et de son impact sur les droits fonciers des Palestiniens.
« La Palestine est confrontée à la dépossession de ses terres depuis plus de 70 ans. La colonisation continue de nous confisquer nos terres et de détruire nos moyens de subsistance. Mais nous restons déterminés : soit nous vivons en Palestine, soit nous sommes enterrés en Palestine. »
Il a souligné l’importance de la documentation foncière, des registres fonciers numériques et des cadres juridiques pour protéger les droits fonciers des Palestiniens. Malgré les ordres militaires israéliens de confiscation de terres, l’Autorité foncière palestinienne a travaillé avec des partenaires arabes et ONU-Habitat pour numériser plus de 150 000 registres fonciers.
« Nous devons documenter chaque parcelle de terre. À Gaza, notre bureau d’enregistrement foncier a été détruit, mais nous continuons à archiver et à préserver nos registres fonciers. C’est notre forme de résistance. »
3. Irak : restitution des terres et transformation numérique dans le cadre du relèvement post-conflit
M. Ahmed Luaebi, directeur général des relations judiciaires en Irak, a détaillé les efforts déployés par l’Irak pour restituer les terres aux populations déplacées après la défaite de l’EI.
« Le gouvernement irakien accorde la priorité à la restitution des terres aux personnes déplacées de force. Nous ouvrons de nouveaux bureaux d’enregistrement foncier dans les zones libérées et veillons à ce que les demandes de terres soient traitées efficacement. »
Il a noté que les registres fonciers ont été détruits pendant le contrôle de l'EI, mais l'Irak a depuis lancé une plateforme foncière numérique pour automatiser les enregistrements et prévenir la fraude.
« L’automatisation et la numérisation sont essentielles pour rétablir la confiance dans la gouvernance foncière, prévenir la corruption et garantir la propriété légitime. »
4. Libye : combler les lacunes en matière de régime foncier et renforcer la résilience climatique
M. Badr Al-Deen Al-Toumi, Ministre des collectivités locales de Libye, a souligné que les politiques foncières passées de la Libye ont créé d’importantes insécurités foncières.
« Les politiques foncières socialistes de la Libye ont empêché la propriété privée, ce qui a entraîné le non-enregistrement de nombreuses propriétés. Après 2011, nous avons assisté à de nombreux conflits fonciers en raison de l’absence de registres fonciers officiels. »
Il a fait référence aux inondations de Derna en 2023, qui ont détruit des quartiers entiers, laissant de nombreux propriétaires terriens morts ou disparus.
« Le changement climatique rend la sécurité foncière encore plus cruciale. Nous avons besoin de registres fonciers complets pour garantir une reconstruction juste et équitable. »
5. Somalie : le croisement entre le changement climatique et les déplacements de population
M. Elim Mohamud Nor, ministre des Travaux publics, de la Reconstruction et du Logement de la Somalie, a expliqué comment le changement climatique est à l’origine des migrations forcées en Somalie.
« La Somalie est prise dans un cycle sans fin de sécheresses extrêmes et d’inondations dévastatrices. Cette situation pousse les populations rurales vers des villes surpeuplées, où les conflits fonciers et les implantations sauvages se multiplient. »
Pour gérer ces pressions, la Somalie a lancé un système d’enregistrement foncier numérique et s’est associée à des organisations internationales pour offrir aux communautés déplacées une sécurité foncière.
« La gouvernance foncière n’est pas seulement une question de propriété, c’est aussi une question de survie. Sans un régime foncier sûr, nos populations resteront vulnérables à l’exploitation et aux déplacements. »
6. Yémen : reconstruire après la guerre et gérer le territoire pour la stabilité
M. Waleed Radman Amer, Vice-Ministre des Travaux Publics et des Infrastructures du Yémen, a décrit comment une décennie de guerre a laissé le système de gouvernance foncière du Yémen en désordre.
« La guerre a dévasté les infrastructures du Yémen, perturbé les registres fonciers et créé des incertitudes juridiques autour de la propriété foncière. »
Il a souligné la nécessité d’une planification préventive de la gestion des terres, de l’adaptation au changement climatique et des archives numériques pour aider le Yémen à se reconstruire.
« La reconstruction ne réussira pas sans des cadres clairs de propriété foncière et des systèmes de gouvernance solides. »
7. Le rôle de la solidarité internationale et du financement dans la récupération des terres
Un thème commun à toutes les sessions a été la nécessité d’un soutien et d’un financement internationaux pour reconstruire les systèmes de gouvernance foncière. Le Dr Paulo Sérgio Pinheiro a appelé à une solidarité mondiale avec les pays touchés par les conflits, en particulier la Palestine et la Syrie.
« Nous ne pouvons pas parler de restitution des terres sans solidarité internationale. La Palestine, la Syrie, le Yémen et d’autres pays ont besoin d’un soutien mondial, non seulement pour reconstruire les infrastructures, mais aussi pour rétablir les droits et la justice. »
Les intervenants ont également souligné le rôle des institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale, la Banque islamique de développement et les fonds d’adaptation au changement climatique, dans le soutien aux efforts de récupération des terres.
« La reconstruction post-conflit nécessite un financement conséquent. Les gouvernements doivent travailler avec des partenaires régionaux et internationaux pour mobiliser des ressources en faveur de la gestion des terres et de la résilience des infrastructures. » — M. Badr Al-Deen Al-Toumi
Principales conclusions et prochaines étapes
Cette séance a souligné que la gestion des terres n’est pas seulement une question technique : c’est un impératif humanitaire, économique et politique. Aborder la gouvernance foncière en temps de crise peut :
Prévenir les conflits en sécurisant le régime foncier et en réduisant les litiges liés à la terre.
Soutenir l’adaptation au changement climatique en garantissant une planification résiliente de l’utilisation des terres et une préparation aux catastrophes.
Faciliter la reconstruction d’après-guerre en offrant aux populations déplacées des mécanismes de restitution des terres.
Stimuler la reprise économique grâce à la numérisation du territoire, à des politiques favorables à l’investissement et à une planification urbaine durable.
Promouvoir la coopération régionale et la solidarité internationale pour relever les défis communs en matière de gouvernance foncière.
Alors que les conflits, les pressions climatiques et l’urbanisation s’accélèrent dans le monde arabe, une gestion proactive des terres sera essentielle pour renforcer la stabilité et la résilience. Cette conférence marque une étape importante vers l’élaboration de politiques, la mobilisation de ressources et la promotion de la coopération pour assurer un avenir plus équitable et plus durable à la région.
Ce résumé de l'événement a été initialement publié sur le portail foncier dans le cadre de leur partenariat médiatique pour la troisième Conférence foncière arabe à ce lien .