Femmes et terre : promouvoir l’égalité des sexes dans le régime foncier dans la région arabe
L’accès sécurisé des femmes à la terre, au logement et aux ressources est un pilier fondamental de la stabilité économique, de l’inclusion sociale et du développement durable. Cependant, dans toute la région arabe, des obstacles juridiques, des normes coutumières et des défis institutionnels continuent de restreindre les droits fonciers des femmes, limitant ainsi leur capacité à investir, à créer des richesses et à participer à la prise de décision.
La session de haut niveau sur les femmes et la terre, organisée lors de la troisième Conférence arabe sur la terre, a réuni des décideurs politiques, des experts et des spécialistes du genre pour examiner comment les réformes juridiques, les politiques d’administration foncière et les initiatives locales peuvent ouvrir l’accès des femmes à la terre. La session a présenté des exemples de réussite d’Oman, de Mauritanie, du Soudan, de Libye et du Maroc, où les gouvernements et les acteurs de la société civile s’efforcent de combler les écarts entre les sexes en matière de propriété foncière.
Alors que les conflits et les crises remodèlent les rôles de genre - poussant souvent les femmes vers une plus grande responsabilité économique - garantir les droits fonciers des femmes n'est pas seulement une question d'équité, mais un impératif de développement.
Principaux points à retenir de la session de haut niveau
1. Égalité des sexes dans le régime foncier : les obstacles juridiques et sociaux
Mme Nadya Khalife, conseillère régionale pour l'égalité des sexes à la CESAO, a ouvert la session en soulignant le double défi auquel les femmes sont confrontées : alors que les réformes juridiques progressent, des normes sociales profondément enracinées continuent de restreindre l'accès des femmes à la terre.
« Les droits fonciers ne se limitent pas à la propriété. Ils concernent l’indépendance économique, la mobilité sociale et la capacité à prendre des décisions. Les réformes juridiques n’ont pas beaucoup d’effet si les femmes continuent de se heurter à des obstacles bureaucratiques, financiers et culturels pour faire valoir leurs droits. »
Elle a invité Mme Ekhlas Adam, Secrétaire générale du Conseil national du développement urbain au ministère du Développement urbain, des Routes et des Ponts du Soudan, à partager ses idées sur l’impact du déplacement sur les droits fonciers des femmes.
2. Soudan : déplacements, conflits et droits fonciers des femmes
Le Soudan compte l’une des plus grandes populations déplacées au monde, les femmes devenant de plus en plus souvent les soutiens de famille en raison des conflits et des migrations.
« Les femmes représentent une part importante de la main-d’œuvre agricole au Soudan, mais les lois coutumières les empêchent de posséder des terres. Cela affaiblit non seulement l’économie soudanaise, mais décourage également les investissements. » — Mme Ekhlas Adam
Elle a souligné que la loi foncière de 1979 a transféré des terres non enregistrées au gouvernement, privant ainsi de nombreuses femmes de droits fonciers officiels. Même dans les cas où des cadres juridiques existent, leur mise en œuvre est faible en raison de la résistance sociale.
« Il existe des lois qui accordent aux femmes des droits fonciers égaux, mais les coutumes les empêchent d’enregistrer des terres ou d’obtenir des financements. »
Pour y remédier, le Soudan s’emploie à :
Réformes du registre foncier pour documenter et protéger la propriété foncière des femmes.
Programmes d’inclusion financière pour aider les femmes à accéder au crédit pour l’investissement agricole.
Campagnes de sensibilisation communautaire pour changer les perceptions sociétales des droits fonciers des femmes.
3. Mauritanie : équité juridique contre barrières sociales
M. Mohamed Salem Boukhreiss, Secrétaire général du Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire de Mauritanie, a présenté une réalité contrastée : les lois mauritaniennes ne discriminent pas les femmes, mais les défis sociaux et économiques entravent encore l’accès à la propriété foncière.
« En Mauritanie, les femmes ne sont confrontées à aucun obstacle juridique en matière de propriété foncière, mais les normes sociales et l’inefficacité bureaucratique rendent l’accès difficile. »
Il a présenté les initiatives soutenues par le gouvernement pour aider les femmes à accéder à la propriété foncière :
Marché des femmes d'affaires à Nouakchott : un centre commercial soutenu par le gouvernement où opèrent 250 entreprises appartenant à des femmes.
Aides au logement : Plus de 10 000 parcelles de terrain ont été attribuées aux femmes en reconnaissance de leur rôle de soutien au foyer.
Réformes du registre foncier : simplifier les processus d’enregistrement foncier pour encourager davantage de femmes à formaliser leur propriété.
Malgré ces initiatives, les femmes possèdent moins de 10 % des terres enregistrées en Mauritanie. Le gouvernement investit désormais dans des campagnes de sensibilisation pour que davantage de femmes fassent valoir leurs droits.
4. Oman : un leader régional en matière de droits fonciers des femmes
M. Ali bin Ahmed bin Issa Al-Mashani, directeur général du logement et de l'urbanisme dans le gouvernorat de Musandam, à Oman, a souligné les politiques progressistes d'Oman, le positionnant comme l'un des cinq premiers pays au monde en matière de propriété foncière des femmes.
« Oman garantit aux femmes les mêmes droits fonciers qu’aux hommes. En fait, les femmes possèdent près de 50 % des terres dans tout le pays. »
Il a mis l’accent sur l’enregistrement électronique des terres et les programmes de logement soutenus par le gouvernement, qui ont permis aux femmes omanaises de :
Devenez propriétaire de terres sans restrictions, que ce soit pour le logement, l’agriculture ou l’investissement.
Accédez à des programmes de logement subventionnés, en particulier pour les femmes à faible revenu.
Participer à la gouvernance foncière, avec des femmes à des postes de direction au Ministère du Logement et de l’Urbanisme.
Il a également souligné les lois d'Oman sur l'héritage, expliquant que les transferts de terres basés sur l'héritage ont considérablement augmenté les taux de propriété foncière des femmes.
5. Maroc : institutionnaliser l’inclusion foncière des femmes
La professeure Yasmina Imani, représentante du Pôle numérique marocain pour l'agriculture, la foresterie et l'observatoire de la sécheresse, a partagé l'approche innovante du Maroc en matière de gouvernance foncière inclusive du genre.
« Le Maroc est allé au-delà des réformes individuelles : nous avons institutionnalisé l’accès des femmes à la terre grâce à la création du Centre pour l’inclusion des femmes dans l’immobilier. »
Cette nouvelle initiative nationale, lancée en 2023, vise à :
Recueillir des données sur la propriété foncière en fonction du sexe pour suivre les progrès.
Simplifier les processus d’enregistrement foncier pour encourager davantage de femmes à formaliser leur propriété.
Développer des politiques sensibles au genre en partenariat avec les institutions de recherche et la société civile.
« Nous ne travaillons pas seulement à donner des terres aux femmes : nous veillons à ce qu’elles soient impliquées dans la gouvernance foncière et dans la prise de décision à tous les niveaux. »
6. Libye : les femmes dans la gouvernance locale et la réforme agraire
Dr. Aboubakr Abdul Latif Al-Tarabulsi, Secrétaire général adjoint du Conseil suprême de l'administration locale de Libye, a souligné la manière dont les réformes agraires en Libye intègrent les femmes dans les structures de gouvernance.
« Les femmes jouent un rôle plus important dans la gouvernance locale. Nous avons désormais 144 initiatives menées par des femmes au sein des conseils municipaux, axées sur l’autonomisation économique et la gouvernance foncière. »
Il a souligné les efforts déployés par la Libye pour éliminer les obstacles bureaucratiques et encourager la participation des femmes aux décisions de gestion des terres.
« La réforme agraire ne concerne pas uniquement la propriété : elle vise également à garantir que les femmes participent à l’élaboration des politiques foncières. »
Principales conclusions et prochaines étapes
La session sur les femmes et la terre a souligné que même si les réformes juridiques progressent dans certains pays arabes, les barrières sociales, les défis économiques et la faiblesse des mécanismes d'application continuent d'entraver les droits fonciers des femmes. Les principaux points à retenir sont les suivants :
Les droits légaux doivent être soutenus par une application rigoureuse : les lois à elles seules ne suffisent pas.
Les normes coutumières doivent changer : les campagnes de sensibilisation sont essentielles.
L’inclusion financière est essentielle : les femmes doivent avoir accès au crédit pour investir dans la terre.
Les gouvernements doivent collecter des données foncières spécifiques au genre pour suivre les progrès.
La participation des femmes à la gouvernance foncière doit augmenter : les rôles de prise de décision sont importants.
Alors que les pays arabes continuent de faire face à des conflits, des déplacements de population et des restructurations économiques, la sécurisation des droits fonciers des femmes changera la donne en favorisant la stabilité sociale, l’investissement et le développement à long terme.
Ce résumé de l'événement a été initialement publié sur le portail foncier dans le cadre de leur partenariat médiatique pour la troisième Conférence foncière arabe à ce lien .